L’employeur qui forme une salariée une seule journée en 16 ans commet une faute

La Cour de cassation confirme le versement de dommages et intérêts à une salariée qui n’avait suivi qu’une seule formation en 16 ans. L’employeur n’a pas respecté son obligation de veiller au maintien de la capacité de sa salariée à occuper un emploi.

Un nouvel arrêt de la Cour de cassation du 24 septembre 2015 confirme une jurisprudence bien établie. En ne formant pas une salariée, l’employeur manque à son obligation de veiller au maintien de la capacité de l’intéressée à occuper un emploi.

Une obligation de verser une contribution financière pour la formation

Selon l’article L. 6331-1 du code du travail, tout employeur concourt au développement de la formation professionnelle continue, en participant, chaque année, au financement d’actions de formation et de qualification. Ce financement est assuré par :

  • le versement de contributions au titre de la formation professionnelle ;
  • le paiement direct par l’employeur de formations pour ses salariés notamment pour remplir ses obligations définies à l’article L. 6321-1 du code du travail, le cas échéant dans le cadre du plan de formation.

Cet article prévoit que l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail et  veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

En matière de formation professionnelle, l’employeur a donc une double obligation : payer  ses contributions «  formation » et veiller au maintien de l’adaptation et de l’employabilité de ses salariés. Le règlement de ses contributions à l’Opca  ne l’exonère donc pas de son devoir d’organiser régulièrement des formations pour ses salariés.

 

Une obligation de maintenir l’employabilité de ses salariés…

Dans cette nouvelle affaire, une salariée dont le contrat de travail est rompu demande la condamnation de son employeur pour défaut de formation. Elle n’a en effet suivi qu’un stage de formation d’une durée d’une journée pendant ses 16 années de présence dans l’entreprise. La cour d’appel donne raison à la salariée et condamne l’entreprise à lui verser la somme de 5 000€ à titre de dommages et intérêts.

La Cour de cassation approuve cette décision en estimant qu’était établi le manquement de l’employeur à son obligation de veiller au maintien de la capacité de l’intéressée à occuper un emploi (Cass. soc., 24 sept. 2015, n°14-10.410).

La Cour de cassation n’a pour le moment pas précisé la périodicité des formations qu’un employeur doit proposer à un salarié. La jurisprudence en offre des exemples utiles. Ainsi une entreprise a été condamnée à verser 6 000€ de dommages et intérêts à une salariée qui n’avait suivi aucune formation durant ses 7 ans dans l’entreprise (Cass. soc., 7 mai 2014, n° 13-14.749).

Remarque : cette périodicité de 7 ans peut être rapprochée du récapitulatif du parcours professionnel qui doit être réalisé tous les 6 ans lors de l’entretien professionnel prévu à l’article L. 6315-1 du code du travail. Ce récapitulatif permet de vérifier si le salarié a bénéficié, au cours des 6 dernières années, des entretiens professionnels et d’apprécier notamment s’il a suivi une action de formation.
 

… Et non pas une simple obligation d’adaptation au poste de travail

Dans cet arrêt, la Cour de cassation rappelle, une nouvelle fois, que l’employeur n’a pas qu’une simple obligation d’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il doit veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi. Ainsi, peut-il être condamné à verser des dommages-intérêts pour défaut de formation même dans le cas où :

les salariés occupaient leur poste «  avec succès », lequel n’avait par ailleurs pas évolué et même si aucune tâche  » d’un niveau plus élevé » ne pouvait leur être proposée (Cass. soc., 28 sept. 2011, n°09-43.399) ;

le salarié n’a pas été confronté à une difficulté d’adaptation à son poste de travail (Cass. soc., 24 juin 2015, n° 13-28.460).

Cette obligation de veiller au maintien de la capacité du salarié à occuper un emploi relève de l’initiative de l’employeur, peu importe que le salarié n’ait émis aucune demande de formation au cours de l’exécution de son contrat de travail (Cass. soc., 18 juin 2014, n° 13-14.916 et Cass. soc., 24 juin 2015, n°13-28.784).

Source : Sophie Picot-Raphanel, Newletter Elegia Formation, 17/11/2015.

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