Côté pile, une société qui affiche de solides bénéfices, des valeurs d’entreprises policées où derrière le sourire de façade, chacun est invité à rejoindre le rang ; côté face, un lent et continu travail de fragilisation de l’emploi au service de la rentabilité financière. Derrières les récents propos lénifiants des communiqués de la direction se cachent pourtant les durs mots de « licenciements économiques » et de « restructurations ». Ce sont en effet environ 70 salariés et leurs familles dans plusieurs pays (Allemagne, Etats-Unis, Suède ainsi que certains pays Asiatiques) placés devant le choix cornélien de déménager de parfois plusieurs milliers de kilomètres ou de partir tout-court. Si la direction s’est voulue volontairement rassurante et sans douter que certains salariés y voient une opportunité, il y aura à l’heure des choix certains de nos collègues qui resteront sur la touche. D’ailleurs, les premières réactions que nous avons pu collecter chez nos collègues de Berlin ne trompent pas : ils se disent « choqués ».
Et en France ?
Si la direction a confirmé ne pas vouloir procéder à la fermeture de sites en France, se contentant d’entériner le déménagement des salariés de St Cloud vers Puteaux, plusieurs éléments incitent cependant à la prudence. D’abord, les centres de R&D n’ont pas connu de croissance significative depuis le « spin-off » (séparation financière d’avec Sopra), exception faite de l’opération de rachat de Systar. Les produits délocalisés iront enrichir les centres de Bucarest, Phoenix et Dublin ; lesquels deviendront, à terme, des centres « poids lourds » face auxquels les centres d’Annecy, Puteaux et surtout Lyon, feront office de centres d’importance secondaire. Concernant ce dernier, si la direction a affiché sa volonté de ne pas y toucher, ce n’est pas jouer les Cassandre que de prévoir son avenir potentiellement mis sur la sellette à chaque fois qu’il sera encore question de réduction des coûts.
Enfin, les opérations de restructurations sont à l’œuvre depuis bien plus longtemps en France, sous la forme plus rampante de licenciements économiques déguisés, de dumping salarial ou d’externalisation. Depuis plusieurs années déjà, des gâchettes zélées de la direction ont consciencieusement délocalisé les produits, les opérations de support et maintenant le Service à l’heure ou un centre dédié se développe à Bucarest.
Que faire ?
A l’heure de la (énième) « révolution numérique » ou « révolution digitale » en mauvais franglais, le « coût humain » est une fois de plus attaqué par la logique de rentabilité financière. L’équation de produire au moindre coût, pour des marchés toujours plus abondants, n’est pourtant pas soutenable !
Rappelons qu’Axway, comme l’ensemble des acteurs du numérique, carbure à la « matière grise » ; il est normal que nos compétences qui font la valeur ajoutée de notre entreprise soient également le premier centre de coût.
Le combat pour infléchir cette logique est difficile mais plusieurs pistes concrètes existent.
Loin des logiques de concurrence, il est nécessaire de rapprocher les salariés. Des instances, comme le Comité d’entreprise Européen (ou de taille mondiale) bien qu’imparfait, constitue une première étape nécessaire.
Vos élus doivent amener la direction au débat sur les perspectives d’emploi autant dans l’entreprise qu’au sein de l’UES. C’est possible lors des consultations sur les « orientations stratégiques de l’entreprise » ou les politiques de gestion prévisionnelles de l’emploi et des compétences (GPEC). Des solutions de mutations professionnelles au sein de l’UES doivent également être mises en œuvre en France comme à l’étranger.
Enfin, ne nous leurrons pas, seule une prise de conscience du plus grand nombre d’entre nous, les salariés, peut efficacement infléchir le rapport de force en notre faveur. Aujourd’hui, il ne suffit plus de courber l’échine ou de se montrer « corporate » pour espérer que l’orage tombera ailleurs. Les récents licenciements dont nous vous alertions récemment devraient d’ailleurs donner matière à cette prise de conscience : celle que chacun doit prendre sa part dans la promotion des intérêts des salariés par son soutien et son investissement, si modeste soit-il. Même le FMI, plus connu pour ses programmes d’austérité, établit un lien entre la force du syndicalisme des salariés et les inégalités de revenus. Dans toutes les entreprises, le secteur du progrès social ne connait pas la crise et s’enrichit de la participation de chacun ; pourquoi-pas de la vôtre, salariés d’Axway ?
Cet article est issue du Mini Coquelicot d’avril 2015.